COMPTE RENDU DE LA 3EME JOURNEE DE LA CONFERENCE DE L’ASAP le 22 Juillet 2017
DAY 3
COTE JARDIN (AMBIANCE) :
Certains commencent à tousser, ont des rhumes, encore un coup des « pharmacists » !!
Les débats en session s’animent, la fatigue commence à se faire sentir. Non pas le décalage horaire mais 3ème jour de cours, en anglais avec différents accents, avec des termes techniques spécifiques et beaucoup d’abréviations dont certaines spécifiquement US (ex TMJ pour temporomandibular joint i.e. articulation temporomandibulaire) et une pathologie relativement récente dans sa connaissance même si certains chirurgiens ici opèrent des Chiari depuis plus de 25 ans…
COTE COUR (OU COURS – SESSIONS):
Session entière sur la moelle attachée.
Vaste sujet, qui fait polémique plus en Europe qu’aux US, où il est évident pour tout le monde qu’on ne peut pas sectionner le filum terminale sans ouvrir la dure-mère. Le débat ici est tout autre, et il rejoint le débat scientifique français, loin des polémiques stériles alimentées par des enjeux commerciaux plus que pour le bien-être des patients.
Existe-t-il un syndrome de la moelle attachée ? Si oui, faut-il opérer ? Quelle relation entre Chiari et moelle attachée. Organisé sous forme d’un débat entre les « pros » et les « cons » (à ne pas confondre avec un terme typiquement français), on sort des échanges assez dubitatifs.
Shokey Yamada, professeur émérite d’une université californienne et fervent défenseur du syndrome de la moelle attachée (TCS) s’étant excusé pour des problèmes graves de santé, sa collaboratrice nous fait sa présentation qui consiste à décrire ce qu’est selon lui le syndrome en commençant pas un peu de physiologie. Si la moelle chez le patient sain remonte de 2,5 cm quand on passe de la position colonne droite à la flexion complète du rachis, on peut concevoir que si la moelle reste attachée, cela génère un étirement. Ce professeur a démontré que l’étirement de la moelle (au laboratoire) provoquait un stress oxydatif qui s’améliorait à l’arrêt de l’étirement. Ainsi l’élongation ne crée pas d’anomalie dans les mécanismes d’oxydo-réduction mais l’étirement oui.
Suivent une énumération de symptômes (une quinzaine), dont certains seraient caractéristiques en précisant bien les profils différents des symptômes entre l’atteinte de la moelle par un disque intervertébral (hernie discale) et le syndrome de la moelle attachée. Les éléments importants seraient la notion de progressivité au fil des mois chez l’enfant et l’adolescent, l’augmentation des douleurs lombaires à la flexion, ou dans la position assise de Bouddha, des difficultés à tenir sur les talons ou bien la pointe des pieds, des troubles sphinctériens essentiellement vésicaux d’allure neurologique, l’absence d’impulsivité à la toux, des troubles de posture des membres inférieurs ou des pieds, etc…
L’IRM peut montrer OU PAS le cordon attachant la moelle ou un aspect de l’extrémité de la moelle attirée vers l’arrière.
L’endoscopie intrathécale (dans le canal rachidien) montre bien l’attachement.
L’histologie post opératoire montre un cordon soit fait de fibres, soit appauvri en graisse, dans tous les cas qui a perdu son élasticité.
La section montre une ascension de la moelle.
En respectant strictement la présence des symptômes, l’intervention apporte 90% d’amélioration.
Tout ça dans un monde merveilleux.
L’intervention suivante s’attache (si je peux dire) à démontrer en comparant l’historique de prise en charge de l’hydrocéphalie à pression normale et l’expérience de la moelle attachée dans le spina bifida occulta, l’intérêt d’intervenir. En présentant un algorithme décisionnel en fonction des symptômes de la triade neurologique, urologique et orthopédique, tout en prenant en compte les comorbidités (pathologies associées) qui peuvent être un critère de non intervention, les résultats sont excellents. Mais quid des patients qui ne réunissent pas tous les critères mais seulement quelques-uns ? Et les modifications de structure du filum terminale qui semblent en cause, font partie souvent d’une autre pathologie du tissu conjonctif par exemple qui a sa propre histoire, évolution et symptômes.
Cette présentation a le mérite de tordre le cou au mythe de la moelle basse. La moelle basse est toujours attachée même si on ne voit pas le cordon à l’IRM. Plusieurs cas sont présentés mettant en évidence la discordance entre l’IRM et la réalité per opératoire.
Le risque est de méconnaitre des moelles attachées en ne se fiant pas assez aux symptômes et trop à l’IRM mais aussi d’opérer des moelles non attachées en ne se fiant qu’aux symptômes. Encore un exemple que la médecine reste un art et non une science.
La présentation suivante ne voit pas les choses de la même manière. Le présentateur commence par poser les questions suivantes : est-ce que la position des amygdales cérébelleuses pose problème ? Est-ce que les personnes qui ont des amygdales cérébelleuses basses ont plus de problèmes ? Est-ce que les patients qui ont un Chiari / une descente des amygdales cérébelleuses ont plus souvent une moelle attachée ?
La position des amygdales varie en fonction de l’âge. Et le risque d’avoir un Chiari symptomatique augmente avec l’âge chez les enfants entre 1 an et 17 ans qui ont des amygdales basses. La position basse des amygdales cérébelleuse est un facteur de risque de syrinx.
Mais l’incidence des Chiari augmente au fil des ans et dans la population des enfants aux US, elle a été multipliée par 5 en quinze ans.
La prévalence de la moelle basse est variable si l’on se base sur des constations anatomiques (autopsies) et l’IRM (respectivement 4 à 6% vs 0,25 à 4%).
Est-ce que la moelle attachée est associée au Chiari ? Dans une étude US de 2009, sur 3276 patients porteurs d’un Chiari, 318 ont été diagnostiqués porteurs d’une moelle attachée, 94% des moelles attachées avaient le cône terminal en position L2 ou au-dessus (considéré comme normale). Et 0,5% de tous les patients avaient une moelle au-dessous du niveau L2. Et dans une autre étude, si on compare les patients atteints de Chiari à des personnes non atteintes, chez les enfants pas de différence entre ceux qui ont une moelle basse et ceux qui n’en ont pas ; Chez les adultes, pas de différence non plus.
Quant au syndrome de la corde attachée (TCS) rassemblant des symptômes comme des douleurs lombaires, des troubles urinaires comme l’incontinence, des troubles de la démarche et des pieds et souvent une scoliose, tous ces symptômes sont fréquents dans la population générale.
En conclusion si on s’en tient au fait entre Chiari et TCS, sachant que la prévalence des amygdales cérébelleuses descendues n’est pas rare, que la prévalence de la moelle basse n’est pas rare, qu’on a pas d’explication d’une relation de cause à effet, l’exemple de patients qui présentent les deux anomalies ne prouve pas la relation de cause à effet.
Une autre présentation, faite par une convaincue, disciple de Shokey Yamada, nous montre les résultats de sa cohorte de jeunes patients opérés d’une moelle attachée. En rappelant au présentateur précédent que certes l’énurésie était fréquente dans la population mais qu’il s’agissait d’un accident par semestre alors qu’elle s’adressait à des jeunes patients ayant de multiples accidents par semaine. En respectant les critères d’intervention (qu’on ne peut détailler ici) elle montre 98% d’amélioration ou disparition des troubles urinaires, 97% d’amélioration ou résolution de l’incontinence anale, 71 % d’amélioration ou résolution de l’énurésie nocturne. Ainsi que 100% de résolution des douleurs (30/30) des faiblesses (21/21) et 100% d’amélioration de la marche. Et ceci sans aucune complication chirurgicale. Et certains avaient une IRM qui ne montrait pas de corde d’attache de la moelle alors que l’intervention mettait en évidence cette attache.
Les présentations se sont terminées par une mise en garde d’un « experienced » neurochirurgien qui a rappelé que tout geste n’est pas anodin, qu’intervenir entraîne automatiquement des cicatrices sur la moelle qu’il fallait rester très prudent sur les gestes opératoires.
QUE RETENIR DE TOUT CELA ?
Le sujet est complexe et mérite encore d’autres études et suivis. L’indication de la section du filum terminale existe et a surement sa place dans l’arsenal thérapeutique de ces troubles neurologiques. Mais savoir à coup sûr que le patient (souvent jeune) va en bénéficier reste encore une gageure. Les neurochirurgiens convaincus restent cependant très prudents comme pour toute technique et comme le précisait un orateur : primum non nocere (d’abord ne pas nuire). Il n’y a aucune certitude comme bien souvent en médecine si ce n’est que la section du filum terminale ne peut pas se faire en extra dural pour la simple et unique raison que la moelle est intradurale.
La matinée de travail se termine par une présentation d’une autre neurochirurgien expérimenté qui nous fait partager les leçons qu’il a retenu de 25 ans d’implication dans la prise en charge du Chiari et de la syringomyélie…
Ces leçons sont les suivantes :
• Un Chiari non traité a peu de risque d’entrainer une plainte en justice d’un patient. (on retrouve bien là, la préoccupation importante des médecins américains vis-à-vis du risque juridique ; du coup, parfois cela se retourne contre les patients)
• La Syringomyélie est rarement une pathologie engageant le pronostic vital.
• Les patients Chiari semble payer un plus lourd tribu que ceux atteints de syringomyélie
• Il faut trier les symptômes pour les rattacher ou non au Chiari ou à la Syringo en probable, possible, peu probable.
• Il ne faut pas sous-estimer les symptômes ressentis par les patients
• Le syndrome cranio cervical n’est pas un syndrome établi et reconnu.
• Le drainage veineux cérébral détérioré peut représenter bien des aspects du Chiari et de la Syringomyélie.
• Les syrinx idiopathiques ne doivent pas être écartés des découvertes accidentelles.
• Dériver ou ne pas dériver, c’est la question.
• Il n’y a pas une seule bonne méthode pour traiter les syrinx post traumatiques
• L’arthrodese craniocervicale est une initiative que doit être justifiée au cas par cas.
• Il faut distinguer hypermobilité et instabilité.
• Un accouchement par voie basse ne provoque probablement pas de problème à la maman souffrant de Chiari.
• Apprendre du patient,
• Ne pas négliger ses symptômes
• Ne pas terrifier le patient
Et en conclusion, plein de sagesse, il termine en disant « treat the person, not the scan » (traiter le patient, pas les images)
Dr Christian Lemarchand