COMPTE RENDU DE LA 2EME JOURNEE DE LA CONFERENCE DE L’ASAP le 21 Juillet 2017
DAY 2
COTE JARDIN (AMBIANCE) :
Toujours ce froid polaire qui nous obligent d’être en manches longues et pull alors qu’il fait 34° dehors. Décidément, les américains ne semblent pas trop sensibilisés aux problèmes climatiques, il faut dire pour leur défense que c’est difficile dans ces conditions de se rendre compte que la planète se réchauffe. A moins que ce ne soit encore un coup des « pharmacists » parce que certains se mettent à tousser…
Les congressistes commencent à échanger entre eux, les associatifs commencent par des photos, puis par échanger leur adresses mail. Ragaillardis par les difficultés de chacun à s’exprimer dans la langue locale, des nouveaux mots s’inventent qui permettent une compréhension (toujours juste ?) entre les groupes de patients.
COTE COUR (OU COURS – SESSIONS)
La matinée est largement consacrée à redéfinir le Chiari. Il faut en rapprocher la présentation faite hier par une neurologue italienne qui pourtant rapporte la classification américaine :
La définition du Chiari clinique et radiologique se définit en Chiari 1 (CM1) qui associe des désordres du mésoderme para axial (mesoderme = tissu embryonnaire qui donnera au fil de la croissance de l’embryon les muscles, ligaments mais aussi le tissu de soutien et les os) qui correspond à la génèse de la base du crâne, de la fosse postérieure (qui présente alors des anomalies) et des vertèbres et la descente des amygdales cérébelleuses.
Cette catégorie se divise en CM1-A quand il y a une syringomyélie à l’IRM et CM1-B quand il n’y en a pas.
Le Chiari 2 (CM2) associe à ces précédents désordres un myéloméningocèle (hernie de moelle) rencontré essentiellement chez l’enfant.
Nos cousins d’outre atlantique ajoutent un Chiari 0 à cette classification qui correspond à un Chiari sans descente des amygdales cérébelleuses avec une syringomyélie et une trouble de la circulation du liquide cérébrospinal (LCS).
Toujours très prolixe, il définisse également un Chiari 1,5 qui correspond à une descente des amygdales cérébelleuses associée à une descente du pédoncule et qui sont à haut risque d’instabilité cardiovasculaire.
La syringomyélie : La prévalence est de 2 à 15 pour 100 000 et la moyenne d’âge de découverte est entre 30 et 40 ans.
Les symptômes peuvent associer des troubles dits suspendus et des troubles sous lésionnels à type de troubles moteurs et sensitifs, des douleurs.
Elle explique alors, schémas à l’appui que les troubles sont directement liés à la position de la cavité au sein de la moelle, non seulement dans le sens de la hauteur mais aussi en transversal : ainsi, si la cavité reste centrale, la symptomatologie sera essentiellement des troubles de la perception deal température et des douleurs. Si elle s’étend vers l’avant et en latéral, les fibres motrices seront davantage touchées. A l’inverse, si l’extension ou le positionnement est majoritairement postérieur, les fibres sensitives seront atteintes. Tous les cas de figure sont possibles.
Mais la syringomyélie peut rester asymptomatique dans 38% des cas selon des statistiques. Mais la symptomatologie n’est pas toujours, typique, on estime qu’un nombre non négligeable de patients souffre également d’autres symptômes ce qui nous oblige à réfléchir aussi à d’autres causes du syrinx (posttraumatique, inflammatoire, dégénératives ?)
L’important reste :
1 : la dream team ou N-Team pour Neurologues, Neurochirurgiens, Neuroradiologistes, Neurophysiologistes.
2 : un examen complet et une IRM moelle entière ainsi que d’autres tests éventuels comme une EMG, des potentiels évoqués, etc…
La région du Piémont s’est organisée pour créer un institut avec des protocoles bien définis de diagnostic, d’évaluation et de prise en charge. Ainsi depuis 2008, 760 patients ont été diagnostiqués et suivis avec 60% de Chiari asymptomatiques et 38% de syringomyélies également asymptomatiques.
Un neurochirurgien américain nous affirme que les définitions ne sont pas satisfaisantes et qu’elle varient au niveau international. Que nous avons besoin d’un consensus qui doit être réalisé entre neurochirurgiens et neuroradiologistes, mais aussi d’ingénieurs, des patients et des payeurs. Dont acte !
Pour lui ce qui est sûr, c’est qu’il faudrait toujours rechercher un syndrome d’Ehlers Danlos quand on suspecte ou diagnostique une syringomyélie et /ou Chiari.
Un neurochirurgien japonais qui a travaillé aussi à l’institut américain du Chiari pense qu’il faut réaliser une définition morphométriques de la fosse postérieure. Il est allé jusqu’à faire des moules de fosses postérieures de cadavres pour définir les dimensions courantes et le but est de reporter ces mesures sur l’IRM et de corréler avec des constations opératoires et de définir des indications opératoires des sous types de Chiari 1.
Suit un topo très riche présenté par une espagnole, brillante généticienne. On cherche à étudier la génétique d’une maladie pour mieux comprendre le mécanisme de la maladie, pour développer des tests génétiques qui permettront de mieux et vite diagnostiquer la maladie et potentiellement trouver des traitements. Il est évident pour elle, qu’il y a une composante génétique au Chiari, puisqu’’il y a des cas familiaux, des cas chez des jumeaux. Elle nous a présenté une étude sur 66 familles atteintes de Chiari (une personne et au moins une autre de la fratrie ou ascendant ou descendant, voire cousin). L’examen de plus de 500 000 gènes semble révéler des anomalies communes dans le chromosome 1 et 9. La population étudiée étant petite par rapport aux nombres de gênes existants, une sélection positive est réalisée permettant de mieux établir des liens. L’étude est loin d’être terminée, il faut trouver les mutations dans les régions des gênes identifiés, connaître la fréquence de ces mutations dans la population générale, trouver la fréquence de ces mutations chez les patients atteints de Chiari et enfin, ces mutations sont-elles corrélées à des anomalies de longueur de la moelle ou autre anomalie des Chiari ? Et pour terminer, vérifier la fréquence de ces mutations dans les différents tissus.
Une autre présentation a fait le point sur la syringobulbie (SB) par un neurochirurgien de l’Iowa. Entre 1984 et 2006, 906 patients ont été traités 13/326 enfants souffraient de SB. Le problème de la syringobulbie (syringomyélie dont la cavité remonte très haut au niveau du bulbe) est la présence de troubles cardiovasculaires, de la commande respiratoire et autre troubles des commandes automatiques (dysautonomie). L’exploration pré-opératoire comprenait en plus de l’IRM, une étude du sommeil, des potentiels évoqués auditifs, une exploration du nerf trijumeau et une IRM dynamique. Tous avaient des atteintes des paires crâniennes IX et X et la moitié du V. LA moitié présentaient des apnées du sommeil ainsi que des troubles de la commande cardiovasculaire.
Tous ont subi une décompression de la fosse postérieure avec laminectomie, exploration du 4ème ventricule, ouverture large du foramen et réduction des amygdales cérébelleuses et plastie de la dure-mère.
Le suivi à 6 semaines, 3 mois, 1 an et 3 ans montre que l’amélioration est la règle.
Dans la salle d’à côté, une présentation sur a la prise en charge des douleurs et l’utilisation du cannabis. Très prisé par les patients ces topos fondus en un seul sont restés très généraux et essentiellement sur le volet médicamenteux. A noter des rappels sur l’addiction et comment dépister les patients, à risque et ceux à propos des morphiniques alors qu’on sait bien que les douleurs neuropathiques sont classiquement résistantes à la morphine et à ses dérivés. Toutefois elles ont souvent une composante centrale qui peut être améliorée par ces traitements. Toutes les douleurs dans le Chiari et la syringomyélie ne sont pas totalement d’origine neuropathiques (céphalées, douleurs lombaires, ..) et le recours à ce type de traitement peut être utile. Le recours à des spécialistes de la prise en charge de la douleur est nécessaire.
Devant des céphalées, il ne faut pas oublier ce qu’ils appellent les « red flags » : des migraines prenant l’ensemble du crâne, de début soudain, d’aggravation progressive, qui apparaissent après 50 ans, augmentée par les changements de position et en cas de toux ou d’effort à glotte fermée. Il faut consulter immédiatement et ne pas mettre cela systématiquement sur le compte du Chiari.
Enfin, très rapidement en fin de topo, les injections d’anesthésique en cervical, en sous occipital, de de Botox. Un mot sur les produits en développement. Le plus avancé, en phase 3 (dernière phase avant commercialisation) vient d’être abandonné du fait de sa toxicité hépatique. D’autres produits sont en phase 2. La fin de sa présentation se termine sur le dessin si dessous qui explique que le cannabis étant légalisé en Californie, certains font le voyage uniquement pour se fournir en marijuana.
L’après-midi a été consacrée entre autre à la chirurgie du Chiari. Un Newyorkais a intitulé sa présentation « Primum non nocere » ou « First Do No Harm » ou d’abord ne pas nuire . Cela veut dire faire le diagnostic le plus pointu possible et choisir le traitement le plus efficient. Très rarement diagnostiqué avant 1985, le Chiari est maintenant fréquent, on estime qu’un 1% de la population serait porteur. Cependant, 1% des patients migraineux ont un Chiari et 17 à 28% des enfants qui ont un Chiari ont des migraines.
Les indications pédiatriques proposées sont l’existence d’une syringomyélie (SM), de céphalées avec certaines caractéristiques et entrainant une baisse de la qualité de vie, une atteinte cérébelleuse, une anomalie du flux LCS. Quid des anomalies de la jonction cranio-cervicale ? Rien n’est certain. L’intervention peut consister en une décompression de la fosse postérieure avec ou sans plastie de la dure-mère, une ostéosynthèse postérieure, voire une décompression antérieure avec une ostéosynthèse postérieure. Il y a des avantages et des inconvénients (ou risques) à la décompression. Et pour quels résultats ? Dans sa série de 600 patients, entre 2000 et 2015, 106 enfants ont été suivis pour une médiane de 45 mois et au minimum de 24 mois. Il y a eu 3,8% de complications : 1 méningite septique, 3 méningites aseptiques (réactionnelles, inflammatoires). 87% sont améliorées avec une intervention, 67 à 3 mois, 80% à 6 mois. 9% ont rechuté et ont dû être réopéré avec une bonne amélioration ensuite. Quant aux céphalées, celles ayant des caractéristiques d’impulsivité à la toux sont toutes améliorées et la plupart sont résolues à 9 mois post op. Mais les présentations cliniques ne sont pas toujours comme décrites et pour ces formes atypiques, assez fréquentes, l’indication opératoire doit se faire avec prudence et au moins la décision doit être le fruit d’une réflexion de plusieurs confrères.
Dans le panel de discussion qui a suivi, le premier orateur s’est attaché à s’interroger sur l’intérêt d’un second avis. Il n’était pas très convaincu évoquant même la faiblesse et risques des seconds avis obtenu par email, skype ou internet.
Le second orateur s’est interrogé sur l’intérêt ou non d’ouvrir la dure mère. Il conclue à l’intérêt de ce temps opératoire.
Enfin, le dernier a comparé les différentes techniques opératoires à disposition comme les éléments d’un menu avec lequel on va composer son opération. Il prône cependant la technique MIST : minimal invasive sub-pial tonsillectomy. Il conclue en disant que c’est un outil supplémentaire mais comme ses confrères, il reste humble et sait qu’il n’y a pas pour l’instant de consensus assis sur des séries de patients et d’intervention avec des suivis suffisamment long.
Une autre présentation du jour a été faite par un Australien qui traite les syringomyélies par dérivation entre la cavité syringomyélique et l’espace sous arachnoïdien. Il a présenté à la fois sa technique et les résultats sur sa série de patients. 125 patients et 155 interventions sont suivis prospectivement. Les indications retenues sont la présence de déficit ou signes neurologiques, l’absence de cause sous-jacente identifiée, ou bien que le traitement de la cause sous-jacente est difficile ou a échoué. Sur 41 patients opérés avec un recul suffisants (3o mois en médiane) 31 ont été améliorés à 3 mois, 8 sont restés stables et deux se sont aggravés. A l’IRM, la cavité a diminué dans 37 cas et est resté stable chez 4 patients. Mais le recul est insuffisant, il ne semble pas avoir de lésion de la moelle, ce qui a laissé septiques plusieurs confrères dans la salle.