Mon enfance et mon adolescence ont été relativement normales. J’étais souvent dispensé de sport, mais j’ai pu vivre comme un enfant ordinaire. J’ai continué mes études normalement jusqu’au lycée, puis j’ai fait un BTS. C’est à l’âge de 20 ans environ que les premiers signes sont réapparus, avec les premières séances de kiné vestibulaire, lesquelles allaient s’enchainer. À cette époque, je n’avais aucune idée de ce que cela signifiait, surtout pas que cette maladie allait récidiver, mais tout était là, en arrière-plan, silencieux, Arnold était en veille. Après mes études, j’ai pu exercer ma passion en intégrant le monde du travail.
J’ai travaillé dans une agence de communication en tant que webmaster et webdesigner, cela pendant 15 ans. Le web m’a toujours passionné, et ce travail m’a permis de m’épanouir. Mais Arnold Chiari, bien qu’invisible, était toujours présent et se faisait ressentir de plus en plus, chaque jour, à différents moments, je comprends mieux pourquoi j’avais du mal à me concentrer quand il y avait du bruit dans cet open space par exemple. Mes collègues de l’agence ne savaient rien de ma pathologie et se demandaient pourquoi j’arrivais si tôt à l’agence et que j’essayais de partir pas trop tard le soir. En y repensant, j’avais quand même environ 3 heures de trajet par jour, aller-retour, pour aller travailler : bus, train, métro, marche et avec chaque mode ses difficultés.
En tout cas, chers anciens collègues, si vous passez par là, et je vous le souhaite, prenez un moment pour lire ces quelques paragraphes et pour consulter le site. Pendant ce temps-là, je n’avais aucune idée que la maladie était en train de revenir dans ma vie de façon aussi marquée et sournoise.
C’est en 2015 que la médecin du travail me propose de monter un dossier MDPH pour demander une RQTH afin d’adapter mes horaires de travail et aussi d’obtenir la carte mobilité inclusion mention priorité — soit dit en passant, elle ne m’aura jamais servi. Je me souviens qu’à l’époque cela m’avait atteint moralement… Je n’avais que 35 ans, et me voilà inscrit à la Maison Départementale des Personnes Handicapées.
Après une rupture conventionnelle en 2020, je commence à me rendre compte que les choses avaient réellement changé pour moi et que trouver un nouvel emploi ne serait pas chose aisée, surtout pour une personne en situation de handicap. Oui, trouver un nouvel emploi s’est avéré bien plus difficile que prévu et j’avais beau être dans une profession qui me permettait de travailler de n’importe où, le télétravail rendait encore les gens frileux. À chaque entretien, dès que je mentionnais brièvement mon handicap, les portes se fermaient immédiatement et les désillusions s’enchaînaient. Cette nouvelle réalité m’a profondément affecté, mais en même temps, cela m’a poussé à prendre davantage conscience de ma situation.
Fin 2022, je fais la connaissance de Mado, la présidente de l’Association, et j’en profite pour adhérer. Cela a été un tournant. Lors de notre premier échange téléphonique, elle m’a orienté vers des solutions concrètes, me parlant du centre de référence du Kremlin-Bicêtre ou encore de rééducation fonctionnelle. Cela m’a permis d’envisager un nouveau parcours médical. Par la suite, elle m’a guidée dans mes démarches pour entrer au centre de rééducation de Menucourt (95) en me mettant en relation avec une autre adhérente, Alizée.
Après une demi-douzaine d’IRM et de rendez-vous médicaux au CHU du Kremlin-Bicêtre, j’avais enfin une date pour cette nouvelle opération, fin août 2023. Après une semaine d’hospitalisation passée là-bas, j’atterrissais à Menucourt, d’abord en hospitalisation complète puis en HDJ. Cela a été une bouffée d’air et une vraie renaissance, mais il fallait m’armer de patience (même si cela ne me caractérise pas vraiment) parce que tout prend du temps, beaucoup trop de temps.
En décembre 2023, je rentre à la maison, mais mon retour à domicile est loin d’être simple. Certaines difficultés sont toujours présentes, mais avec la mise en accessibilité des lieux, cela a rendu les choses beaucoup plus supportables.
Depuis, le centre est devenu un peu ma seconde maison. Le personnel est bienveillant et me connaît bien maintenant. Entre chaque séjour de relance, je suis suivi en cabinet de ville, notamment au Plessis-Bouchard (95), avec un super kiné qui m’accompagne sur le long chemin de la rééducation.
Cependant, mes séquelles sont toujours présentes, mais je dois faire avec : une absence de la sensibilité profonde dans les deux mains et une perte de motricité fine du bras gauche limitent mes capacités à effectuer certaines tâches de la vie quotidienne. Mon rêve de retravailler dans le domaine du web, qui m’a tant passionné, semble désormais lointain. J’ai du mal à utiliser mes mains pour taper sur un clavier, ce qui rend les choses compliquées. Mais ce n’est pas la fin, je continue à me battre chaque jour.
Une autre séquelle qui est plus gênante au quotidien est du domaine urologique. J’ai vécu avec une sonde urinaire à demeure pendant un an, maintenant avec un cathéter suspubien. C’est plus confortable, mais j’ai eu des infections urinaires à répétition et j’ai toujours cette poche urinaire à vider plusieurs fois par jour. Moralement, c’est dur de devoir prendre des antibiotiques à chaque infection urinaire qui se rajoutent aux 20 médicaments quotidiens.
Cette nouvelle contrainte a été un véritable bouleversement dans mon quotidien. Je dois dorénavant adapter mes sorties, mon planning, tout en gérant une logistique à laquelle je n’étais pas confronté avant. Avec mon bras gauche affaibli et mes mains moins sensibles, manipuler la poche est un exercice délicat, parfois angoissant, surtout à l’extérieur. Heureusement que je suis aidé par mon épouse et ma maman qui ont été irréprochables depuis le début. Cela génère un stress supplémentaire, auquel je dois constamment faire face.
Aujourd’hui, je suis patient d’un SSIAD et je bénéficie de l’aide d’une aide-soignante le matin et d’infirmières pour mes soins. J’ai aussi besoin d’une auxiliaire de vie le midi. Composer avec le passage de ces différentes personnes est une contrainte également.
Aujourd’hui, j’ai l’impression de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. La fatigue chronique, je la ressentais déjà au fil des années. D’ailleurs, tout est résumé dans le livre blanc de l’association. Chaque phrase, chaque page, me parle. C’est comme si ma vie y était décrite. Je ne sais pas si on peut considérer cela comme une force, mais je suis parti en guerre contre toute forme d’incivilité envers les PMR aussi, et elles sont nombreuses là où j’habite.
Ce parcours est complexe, et il n’est pas facile de gérer les aspects physiques et émotionnels de la situation. C’est pourquoi un suivi psychologique est absolument primordial et c’est d’ailleurs ce que je continue à faire en visio avec la psychologue du service neurologique du Kremlin-Bicêtre. Il m’a permis de traverser des moments difficiles, en comprenant mieux ce qui m’arrive et en acceptant cette maladie invisible qui a marqué ma vie. Cela m’a aussi permis de retrouver une certaine sérénité, même si, bien sûr, il y a encore des jours difficiles.
Mon rêve, c’est d’aller un jour au Japon. J’y pense toujours. C’est un rêve d’évasion, de découverte et de ressourcement, un projet qui me permet de garder l’espoir d’un jour repartir, malgré tout en vrai fan de jeux vidéo et des Pokémon, même si mon jeu à Pokémon go n’est plus tout à fait le même. En attendant, j’ai eu la chance de partir deux jours en Normandie à l’heure où j’écris ces lignes et j’espère continuer dans ce sens. C’était la première fois que nous partions avec mon épouse, depuis mon retour à la maison. Cette petite escapade m’a fait le plus grand bien. Bien que j’aie appréhendé un peu au début, je peux dire que ce fut une expérience très enrichissante et je suis désormais impatient de repartir plus loin et plus longtemps.