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Claire fait du théâtre

Ceux qui me connaissent savent comme je fais peu confiance à ma mémoire. Celle-ci me fait parfois défaut, me semble instable : je lis des livres, et je ne peux plus en parler au bout de quinze jours, je vois des films, et je les oublie même s’ils m’ont beaucoup marqué… Bref, je ne la considère pas comme mon alliée ! J’aurais pu alors choisir de m’orienter vers une activité autre que le théâtre : le yoga, la méditation, le rugby (non, là, je plaisante)… mais, allez comprendre, J’ai voulu affronter cette difficulté. Je m’appelle Claire, et je suis atteinte d’une syringomyélie et d’une malformation de Chiari. J’ai été opérée à plusieurs reprises il y a un peu plus de dix ans, et, depuis, ma vie est celle de beaucoup de personnes souffrant de ces pathologies : des douleurs neuropathiques, de la fatigue et beaucoup de tensions musculaires. Je me soigne, bien sûr, et j’essaye de prendre soin de moi le plus possible.

Il y a un peu plus d’un an, j’ai décidé de reprendre des cours de théâtre. J’en avais beaucoup fait quand j’étais plus jeune, mais je n’y avais plus repensé depuis mes opérations. Pas l’énergie, pas le courage… mais surtout cette mémoire en qui je n’ai plus grande confiance.

Je me suis donc inscrite au cours, et, dès la fin du cours d’essai, j’ai décidé de me désinscrire : le groupe était constitué de beaucoup de participants qui se connaissaient déjà, le niveau semblait solide, et je doutais d’avoir encore la mémoire nécessaire à cette activité. Je suis allée voir la prof la semaine suivante pour l’informer que je m’étais désinscrite et lui expliquer pourquoi. Elle m’a convaincue de revenir en me rassurant sur mon niveau, ma place dans le groupe et ma capacité à réussir, car elle sentait une grande énergie malgré tout. L’aventure commençait.

J’ai vite retrouvé le plaisir d’être sur scène, d’effectuer des exercices d’improvisation et de travailler sur de petits textes. Début décembre, nous avons réfléchi à la pièce que nous allions jouer en fin d’année. Le choix s’est porté sur un texte de Friedrich Dürrenmatt (auteur suisse) intitulé La Visite de la vieille dame. Une vieille dame revient dans son village natal. Elle est richissime, le village est au bord de la faillite. Elle offre 100 milliards contre la vie de l’homme qu’elle a aimé et dont elle veut se venger… Sacrifice que le maire propose à ses concitoyens en ces termes : « Que tous ceux qui, d’un cœur pur, veulent réaliser la justice lèvent la main. »

Je jouais dans cette pièce un vieux professeur qui tente de faire valoir ses valeurs humanistes auprès des habitants. Le rôle était passionnant. Il ne s’agissait pas du rôle principal, mais les passages où je jouais étaient denses, intenses, et parfois longs ! Nous en revenons donc à cette fameuse mémoire !

Apprendre mon texte a mobilisé beaucoup d’énergie et de travail. Apprendre, oublier, réapprendre, réciter à voix haute dans le métro, sur mon vélo, seule à la maison, avec mon conjoint qui découvrait les joies de la répétition. Bref, j’avais l’impression de moins cohabiter avec mes douleurs et plus avec le texte que je devais mémoriser. Le tout sans trop me mettre de pression afin de ne pas avoir trop de douleurs non plus. L’exercice était parfois compliqué, car mon manque de confiance dans ma mémoire faisait que, de facto, je me mettais une forme de pression.

J’y suis allée à petits pas, tout doucement, en travaillant de manière régulière, et les répétitions, parfois laborieuses, me laissait le sentiment que ce projet était fou et ambitieux ! Le découragement était parfois très présent, car il m’arrivait souvent d’arriver avec le texte mémorisé et d’avoir de gros trous pendant les répétitions. Mais, surtout, je mettais beaucoup, beaucoup de temps à mémoriser quelques lignes.

Le jour de la représentation, l’énergie était là, le texte aussi. Je n’ai pas eu de perte de mémoire, et j’étais totalement mobilisée ! J’en retiens que j’ai tenu sur la durée (spectacle de 1 h 45), et que j’ai réussi à mettre de côté la maladie et sa cohorte de copines pas toujours bien intentionnées.
J’en retiens une grande satisfaction.
J’en retiens une grande surprise.
J’en retiens une grande fierté.
J’en retiens le sourire que j’avais à la fin du spectacle.

Mais, surtout, j’en retiens que tout cela est un long chemin. Il s’agit non d’enjoliver, mais plutôt de pointer du doigt que la lassitude qui nous accompagne souvent n’est pas définitive, et que l’on peut retrouver le goût et l’envie de faire des choses alors même qu’on ne s’en sentait plus capable.

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